Ce n’est pas comme ça que c’était censé se passer.
J’étais enfin heureux. Après tant d’erreurs, tant de doutes. J’ai été blessé avant. J’ai fait confiance trop vite. J’ai aimé trop vite. J’ai regretté beaucoup de choix, mais pas elle. Jamais elle. Je venais de me l’avouer, je devais le lui dire bientôt. Je l’acceptais enfin. Je l’aime. Ou je l’aimais? Je ne sais plus.
Tout allait bien, très bien, parfaitement bien, trop bien. On avait trouvé un jour, entre nos emplois du temps impossibles, à passer ensemble. La plage avait semblé une bonne idée alors. C’était censé être une bonne idée.
Elle était si heureuse. Elle rayonnait. Je l’ai laissée quelques minutes. Je voulais juste récupérer une serviette dans ma voiture. Je n’y étais pas encore arrivé quand le premier cri a retenti. Je me suis retourné pour voir l’eau beaucoup plus loin que je ne l’avais laissé.
Je ne me rappelle pas clairement ce qui a suivi. Comme si, pris de fièvre, j’avais navigué entre la conscience et l’inconscience, entre le rêve et la réalité. Certaines images sont claires comme du cristal, d’autres sont comme entourées d’un brouillard épais impossible à traverser.
Je revois la vague géante, immense, gueule béante de l’océan prête à tout dévorer.
Je me souviens de la marée humaine affolée, effarée, perdue.
Je réentends son nom crié à plein poumons d’une voix que je ne me connais pas.
Je sens encore la force du courant mortel m’emportant, me balançant et me ballotant à son gré comme une vulgaire poupée.
Je me rappelle la voir emportée par l’eau.
Je ressens encore la culpabilité qui me ronge l’âme et l’esprit alors que je suis incapable de l’atteindre.
Je me souviens de la sensation du béton mouillé sous mon corps alors que je récupérais mon souffle au sommet d’un immeuble à moitié en ruine. Est-ce qu’elle respirait encore ?
J’entends encore les cris et les lamentations emportés par les hurlements du vent. Est-ce qu’elle criait ?
Je me souviens du froid qui a continué à m’envahir longtemps après que je sois sorti de l’eau. Était-elle gelée ?
Aujourd’hui, alors qu’on l’enterre, la douleur qui me ronge semble insurmontable.
Je ne peux m’empêcher de me demander si j’aurais pu faire quelque chose pour empêcher ça. Si je ne l’avais pas laissée seule? Si on n’était pas allés à la plage? Si on ne s’était jamais rencontrés ? Si je n’étais pas tombé amoureux?
Ça doit être ça. Ce n’est pas la première fois que j’aime. Ce n’est pas la première fois que ça finit. Ça n’a jamais été aussi douloureux.
Si j’avais gardé mes distances, si je n’avais pas ouvert mon cœur, si je m’étais protégé dès le début, je n’aurais pas aussi mal.
Je ne serai plus jamais aussi vulnérable. Jamais.
Nouha Bennani
Commentaires
Enregistrer un commentaire