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Étouffer d’amour

 


Le cœur entre les mains, je serrais si fort, car je ne voulais qu’une chose : étouffer d’amour.

Ma chambre était glaciale, une morsure sourde, incongrue en ce mois de juin. Pourtant, l’air, lui, était brûlant, étouffant, lourd. Je portai ma main à mon front, pour vérifier si j’étais fiévreuse. N’avais-je jamais pris le temps d’observer cette pièce ? Ou bien était-ce ma tête qui me jouait des tours ? Les murs semblaient rétrécir, se resserrer à chaque fois que je levais les yeux, alors je les baissai. Je fixai mes mains. Je comptai mes doigts. Un, deux, trois… Dix. Dix comme toujours. Encore et encore. Mais il fallait constamment vérifier, pour m’assurer que tout cela était bien réel. Que je n’étais pas en train de disparaître.

Le vide en moi, quant à lui, s’étendait, affamé, grignotant les contours de mon être, jusqu’à ce que je n’aie plus qu’une envie : me fracasser la tête contre le mur.
Assise sur le bord de mon lit, je sentis naître, au creux de mon ventre, une chaleur nouvelle, primitive, animale. Elle grimpa jusqu’à ma gorge et m’étouffa. J’étais vraiment en train de perdre la tête. Mes mains tremblantes se levèrent malgré moi, portées par une impulsion inconnue, et trouvèrent ma poitrine, là où mon cœur battait erratique, paniqué, comme s’il avait deviné ce que j’allais faire. Lentement, je glissai mes doigts sous ma chemise, le tissu cédant sans résistance. Ma peau frissonna au contact de mes doigts froids, qui appuyèrent, d’abord hésitants, jusqu’à s’enfoncer dans la chair.

La douleur, fulgurante, me fendit en deux. Mes ongles, furieux, lacéraient la peau, arrachaient le tissu, creusaient la chair. Mes bras tremblaient. Le sang coulait à flots, épais, poisseux, chaud contre mes poignets. Il tachait mes vêtements, maculait mes cuisses, gouttait au sol. Je cherchais quelque chose. Quelque chose qui m’appartienne encore.

Puis ma main heurta l’os. J’avais atteint ma cage thoracique, solide, inflexible.
Je poussai. Je forçai. Jusqu’à entendre un craquement sourd. Mes côtes cédèrent, comme si mon corps lui-même acceptait enfin de s’ouvrir. J’ai senti le passage. Mes doigts, trempés de sang, se faufilèrent, connaissant étrangement le chemin. Et je l’ai touché.

Il était là. Prisonnier. Battant à toute allure, tel un oiseau pris au piège. Il palpitait contre ma paume, chaud, vulnérable, et surtout, vivant. Je resserrai mes doigts autour de lui, doucement d’abord, puis avec rage. Il tentait de battre malgré tout. Il luttait contre ma poigne. Chaque pulsation devenait une implosion minuscule, un cri d’agonie.
Je ne voulais pas le tuer. Je voulais qu’il cède. Qu’il s’épuise. Qu’il devienne amour. Immense. Écrasant. Total.
Le cœur entre les mains, je serrais si fort, car je ne voulais qu’une chose : étouffer d’amour.

Imane El Maimouni

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